AOC : Châteauneuf-du-pape

Situation et histoire

Les côtes-du-Rhône sud débutent juste au sud de Montélimar, c’est la limite du climat méditerranéen, arrêté par les massifs du défilé de Donzères A l’ouest, le plateau ardéchois, au sud-est, le massif des Alpilles qui bloque les remontées humides pour cette zone. C’est le Rhône qui donne son unité à cette région, qui est un bassin sédimentaire, sur un axe nord sud, sur une zone qui aura été plusieurs fois fluviale, marine, ou lacustre, ce qui donne la diversité des terroirs. Le vignoble est situé sur la rive gauche du Rhône, à une quinzaine de kilomètres au nord de l’ancienne cité pontificale, sur la quasi-totalité de la commune Châteauneuf-du-pape et sur certains terrains d’Orange, Courthézon, Bédarrides et Sorgues. Son originalité provient de son sol, formé de vastes terrasses de hauteurs différentes, recouvertes d’argile rouge mêlée à de nombreux cailloux roulés. Parmi les cépages autorisés, très divers, prédominent grenache, syrah, mourvèdre et cinsault. De couleur intense, les châteauneuf-du-pape s’apprécient mieux après une garde qui varie en fonction des millésimes et des domaines. Amples, corsés et charpentés, ce sont des vins au bouquet puissant et complexe, qui accompagnent avec succés les viandes rouges, le gibier et les fromages. Les rares blancs savent cacher leur puissance par la finesse et leurs arômes.

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Châteauneuf-du-Pape est l’appellation phare de la région, le village tient son nom du pape Jean XXII qui fait construire le château (Châteauneuf), et qui va faire connaître les vins : des domaines emblématiques vont naître : La Solitude, Beaucastel, Nalys, Condorcet, et surtout la Nerthe qui sera longtemps dissociée de Châteauneuf (un peu comme Pétrus à Pomerol). Le vin prend de la renommée au XIXème, mais le phylloxera anéantit la colline et les grands châteaux sont vendus (La Nerthe, La Gardine, Fortia, Rayas, etc.) : la polyculture prend la place de la vigne dans beaucoup d’endroits. En 1892 le conseil municipal, en pleine crise viticole, alors que les porte-greffes américains ont été replantés, nomme le village « Châteauneuf-du-Pape » ! en 1954, le même conseil municipal interdira le survol du vignoble par les OVNIS. 1 nom à retenir: Pierre le Roy de Boiseaumarié, qui devient vigneron dans l’Hérault en 1905 puis qui épouse la fille du propriétaire de Fortia et sera à la tête du combat des AOC.

Caractéristique de l’appellation

Aujourd’hui, environ 300 exploitations sur 3160 ha et 5 communes, 93% de rouges et 7% de blancs, 12 à 13 millions de bouteilles vendues chaque année dont 80% à l’exportation. 200 jours de soleil par an, 1000 heures d’ensoleillement l’été, le mistral est l’élément essentiel du climat, avec 120 jours de vent violent par an, mais le risque de n’avoir pas d’eau l’été, les pluies se concentrant au printemps et à partir d’octobre. Les fameux galets montent à 54 degrés quand il fait 27 avec du soleil, et restituent la chaleur toute la nuit. Toutefois, ce sont les argiles qui font la grandeur des sols. 35 hl maxi en rouge, 25% de l’appellation en bio, grande diversité des pratiques pour l’élaboration des vins, avec plusieurs écoles et styles : Ceux qui multiplient les cuvées (Usseglio, Eddie Feraud), parcellaires ou cépages Ceux de l’unique assemblage (Montredon, Pierre André, Clos des Papes, etc.) Du coup, pas de typicité du CDP, l’élevage accentuant encore les différences : vendanges entières, élevages foudre (les foudres sont très utilisés, comme à Bandol ou en Italie), élevages béton, etc. Chaque domaine, par ses extractions, sa recherche de maturités plus ou moins poussées, les vinifications plus ou moins douces et les élevages plus ou moins sensibles, imprime sa marque.

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Négoce

Guigal, Vidal-Fleury, Jaboulet, Chapoutier (plus une approche parcelles), Delas et plus récemment Tardieu-Laurent (CDP dits « bourguignons ») : à signaler qu’en 1999, un CDP de négociant (Guigal) a été 1er du top 100 du wine spectator, et le Châteauneuf-du-Pape va rester présent dans le Top 10 dans les 15 années suivantes. Les derniers millésimes :

  • 2015 : tout en puissance, avec beaucoup de stress hydrique (tanins fermes)
  • 2016 : très belle année, riche et mûre sans coup de chaleur (potentiel de garde 18 qualité 17,5)
  • 2017 : rouges avec de la fraicheur, faibles rendements (potentiel de garde 18 qualité 18)
  • 2018 très faibles rendements, beau millésime (potentiel de garde 17 qualité 15)

Les sols

L’appellation se présente comme un dôme longé à l’ouest par le Rhône, culminant à 128 m, il a été protégé des érosions marines par le pivot de calcaires durs : La mer du Pliocène a transformé la colline de Châteauneuf en île, et s’est retirée en laissant de vastes nappes de cailloux roulés aujourd’hui en position sommitale (vers Cabrières / Montredon, Farguerol, La Crau), riches en argiles, donc ne craignant pas la sécheresse et donc aptes aux grands rouges concentrés et charpentés : les sols sont drainants et ont un fort pouvoir calorifique, et ce sont donc les années humides qui leur donnent le plus de potentiel en rouge. Au-delà de cette base calcaire, le substrat fondamental est représenté par les sables et les grès de la mer Miocène, qui affleurent sur les pourtours du massif (zone d’Orange à Courthézon) et au sud de Châteauneuf à Bedarrides, le plus souvent recouverts de galets roulés. Le dernier épisode glaciaire voit le Rhône déposer un nouveau niveau de terrasses (riss), qui occupe le sud de l’appellation, vers Sorgues, qui ont les mêmes qualités que sur les hauteurs, mais avec une plus grande sensibilité à la sécheresse.

Les 4 grandes familles de terroirs : une grande mosaïque

  • Au sud, secteur de basses terrasses, calcaires solubilisés sous les galets, où se trouvaient les fours à chaux peu d’argiles, d’où une sensibilité au manque d’eau pour les vignes jeunes (finesse de texture, intensité des tanins) et moins propice aux grand rouges.
  • A l’ouest et au centre de Châteauneuf, sols urgoniens (calcaires du Crétacé), assez récent (maquis défriché il y a 50 ans) : tanins pointus si le travail des sols n’est pas fait
  • A l’est de l’appellation (du Nord-ouest au sud-est), grès dégradés du Miocène, plus ou moins grossiers (grès rouges, vers Nalys) qui donnent les sables fameux de Rayas ou du clos des cailloux, dont une partie est masquée par des galets sur 20 cm d’épaisseur. On parle aussi de safres, les safres étant plus fossilisés que les sables argileux (sables dans les 2 cas)
  • Les hautes terrasses des plateaux de la Crau, de Cabrières et de Mont-Redon, qui culminent à 120 m, avec les galets de greiss et de granit venant des Alpes qui ont été broyés par le Rhône et ont libéré de la silice, elle-même ayant produit les argiles rouges emmagasinant l’eau et les éléments minéraux nécessaires à la vigne : ici les vins sont profonds

Les fameux 13 cépages (en fait 13 variétés pour 18 cépages)

Les 8 cépages rouges :

  • Grenache (noir, gris, blanc) : il fait la richesse et le volume, 70% de l’encépagement : dans la réalité, même s’il y a des cuvées « grenache » quasi aucune 100% à cause de la complantation
  • Syrah
  • Mourvèdre (structurant, épicé, poivré, le squelette de nombreux CDP et compagnon idéal du grenache)
  • Et aussi cinsault, cournoise, muscardin, vaccarèse (10 ha en France, 1,5 aux Fines Roches), terret noir Les blancs : Clairette (blanche, rose), roussanne, bouboulenc, picpoul (blanc, gris, noir), picardan
Philippe Servi par :

Un vin ? Allons jeune homme, vous pouvez faire mieux ! Que dis-je, un nectar, que dis-je une oeuvre d'art, un sommet !