Un week-end, Jura où tu iras

Ce séjour dans le Jura est toujours un moment particulier, à la fois par l’ambiance née des moments avec les vignerons, accueillants, par les paysages, mais aussi par la particularité des vins de ce vignoble. Paradoxallement si le Jura est l’une des plus vieilles région viticole de france, les vins du Jura souffrent d’un manque de reconnaissance à la fois par les professionnels, les amateurs de vins ou les particuliers.

L’encépagement du Jura se révèle plutôt simple : deux cépages en blanc et trois en rouge, d’abord les cépages du voisin bourguignon, le chardonnay et le pinot noir, et trois cépages locaux : le savagnin (blanc), cultivé uniquement dans le Jura, et 2 cépages rouges, poulsard (ou ploussard) et trousseau, qui produisent des vins à couleur légère.

Au delà des cépages, une des spécificité du Jura réside dans l’élevage « sous voile » qui caractérise les vins jaunes et le Château-Chalon, mais qui est aussi utilisé dans de nombreux assemblages : cet élevage consiste à mettre le vin en tonneau sans le remplir complètement, et le laisser reposer sans intervention (entre autres sans jamais ouiller le tonneau contrairement aux élevages blancs) : grâce aux levures indigènes qui peuplent les caves et les tonneaux eux-mêmes, jamais lavés, se développe un voile fin de levures (de l’épaisseur d’une feuille de papier de cigarette, jamais plus d’un demi millimètre pour un voile un peu épais), qui va protéger le vin de la piqure ascétique, tout en lui faisant développer, par cette oxydation ménagée, douce, des arômes originaux (noix verte et mûre, curry, amande grillée, pomme verte, épices). L’appellation vin jaune est acquise au bout de 6 ans et 2 mois en tonneau, qui expliquent tant les arômes que le prix du vin, à cause de la part des anges (62 cl restent sur chaque litre, et la bouteille spécifique, le clavelin, en témoigne).

1. Domaine de Montbourgeau

Nous commençons notre visite par le Domaine de Montbourgeau, à l’Etoile, créé par la famille Gros, et aujourd’hui dans les mains de Nicole Deriaux (premier millésime en 1986) et de son fils César, qui prend la relève. Le terroir de l’Etoile se caractérise par des marnes grises et bleues. On y trouve souvent les vestiges préhistoriques éponymes. photo

Nous sommes accueillis chaleureusement par Nicole, toujours dans cette ambiance bizarre liée aux précautions du COVID, mais le caveau est grand et permet de nous accueillir, et de saluer César qui travaille aujourd’hui au domaine. photo

Pétillant Crémant du Jura non dosé brut zéro

Des belles bulles fines. Des arômes d’agrumes (citron), sur l’amer avec une note légèrement saline en finale. Très élégant, très sympa.

Chardonnay ouillé La Chaux 2018

Nez discret, empyreumatique (banane flambée). La bouche est ronde, équilibrée avec à la fois le coté grillé et les arômes de compotés de pomme. Une balance parfaite en le chardonnay que l’on connait et le terroir du Jura le tout avec une finale longue et agréable (un peu saline).

Savagnin ouillé Les Budes 2018

Fermentation sous bois, élevage sous bois.
Nez lactique et typique savagnin, sirop de grenadine, noix fraîche. La bouche est pleine, saline, sur la pomme verte avec une finale tombante avec légère réminiscence, assez aqueux aussi, saline.

L’Etoile chardonnay 2017, élevage 3 ans dont 1 an sous voile

Assemblage de parcelles.
Nez noix-amande, puissant, avec un coté « whisky japonais ». Bouche un peu simple, amande verte, marqué par l’élevage encore. Finale un peu corute sur une trame de bouillon de volaille.

L’Etoile Banode 2017, parcellaire, assemblage chardonnay/savagnin

Assemblage Chardonnay savagnin, plantés à côté les uns des autres, la parcelle fait le joint entre la fin de la vendange des chardonnays du domaine et le début des savagnins, puisqu’elle est vendangée en même temps.
Nez fumé avec des notes de safran, légèrement curry, fait penser un peu à la sauce soja. La bouche est ample marquée par la noix, sur une tension acide avec une finale puissante sur le curry, le tout sur une trame saline.

L’Etoile savagnin 2016, élevage 3 ans sous voile

Nez classique sur la noix. La bouche est élégante, saline avec une finale sur la pomme cuite. Moins de puissance qu’un vin jaune, très fin, presque un second de vin jaune.

L’Etoile cuvée spéciale 2015, élevage 4 ans sous voile

Chardonnay, débourbé et entonné dans des petits volumes, puis oublié, un mois maxi après la fermentation alcoolique, puis vieilli sous voile et sur lie.
Nez plutôt discret sur la fraîcheur, ambiance « odeur de cave », avec la noix fraîche, raisins de Corinthe. Bouche ronde sur la pomme granny cuite (très marquée), opulent, moins équilibré (légèrement alcooleux), assimilable à un vin nature. Un vin qui mérite 4 ans pour la stabilité et qui donnera une grande complexité (un futur top!).

Vin jaune l’Etoile 2012, élevage 7 ans sous voile

Nez salin, trame acide. Très élégant ET puissant. Moins tendu que les millésimes précédents.

Vin de paille 2016

Nez raisins passerillés, prune, doux avec sucrosité. Après une attaque moyenne sur les noyaux de prunes, la bouche est sirupeuse (avec le raisin de corinthe et le côté compoté « arômes du Jura ») mais avec une trame acide qui conduit jusqu’à une finale agréable sur la cire. Un vin délicieux sur l’équilibre sucre / acidité, tout en douceur.

Macvin blanc

Jus de Chardonnay assemblé avec de l’eau de vie de Marc, dans des propotions respectives 2/3 et 1/3. L’assemblage est contrôlé, puis il est vieilli (ici 2016-2017 pour les jus et 2016 pour le Marc).
Nez sur l’eau de vie. Après une attaque dure, la bouche est tout en sucrosité maitrisée sur des arômes de pâte de coing, de melon confit ce qui fait penser au calisson d’Aix. Néanmoins, ce macvin manque de fondu encore.

Secret de Montbourgeau

Méthode artisanale et empirique développée par le patriarche gardée par la famille. Même procédé que le macvin à la différence près que le jus de raisins est préalablement chauffé au feu de bois (lentement, en frémissant, sur 6 heures pour éviter les arômes de brulés) pour obtenir une réduction de l’ordre de 40% (sur 100L il en reste 66 après réduction) avant de compléter avec le marc (dans les mêmes proportions : 1/3 eau de vie, 2/3 raisins concentrés)

Le nez a des notes de caramel, sur la sucrosité. ce vin est une vraie liqueur digestive, d’une complexité énorme, opulente mais pas massive, dont on a du mal à dénouer les arômes !

En résumé cette visite fut l’accueil parfait dont nous avions besoin pour notre séjour. Des vins tout en élégance et en équilibre entre le salin et l’acidité. Et Nicole Dériot, très bienveillante, tâchant de nous transmettre sa passion. Une visite touchante, avec beaucoup d’émotion, notamment quand elle nous a expliqué la genèse et fabrication du secret de montbourgeau, avec une recette issue de son papa.

2. Domaine Macle

La montée vers Château Chalon est toujours magnifique, avec ces vallons recouverts de vignes. photo

C’est un tout petit vignoble, 48 ha sont plantés, l’origine est monastique et les vins de Château-Chalon sont connus depuis plusieurs siècles. photo

Le domaine Macle date de 1850, fondé par un tonnelier dont deux tonneaux sont toujours utilisés dans la cave, et ce domaine restera agricole (producteur de lait entre autres) jusqu’en 1966, où Jean Macle décide de se consacrer uniquement à la viticulture. Le domaine fait 12 hectares, 8 en Côtes du Jura et 4 en Château-Chalon, argilocalcaire, sur marnes grises et bleues (du Lias), idéales pour le savagnin. photo

Les vignes sont taillées pour qu’elles ne souffrent pas, en double guyot. L’accueil dans le cadre austère du caveau reste impressionnant même pour les habitués. Fort heureusement la dégustation est menée chaleureusement par Christelle Macle, avec une bienveillance particulière pour l’habitué Philippe qui l’a « mis en soucis » en ne lui rendant pas visite l’année dernière. photo

Côtes du Jura 2015

100% chardonnay, 3 ans sous voile. Taille double guyot, le voile formé est un film de l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette, 35 hect/ha.
Nez discret, légèrement floral. Bouche sur la noix séchée, noisette, fine et puissante avec une finale sur des notes épicées, curry.

Côtes du Jura 2016

80% Chardonnay 20% savagnin. Cépages élevés séparément, assemblage 1 mois avant la mise en bouteille.
Nez sur la finesse, floral. Bouche avec de la matière, sur des arômes de noix fraîche, fine et puissant avec une finale pleine, ciselé sur le fruit à coque. Très élégant, très rare d’avoir goûté un Côtes-du-Jura plutôt sur la puissance, sauf peut-être le 2009.

Château Chalon 2011

100% savagnin. Le savagnin est un cousin du gewurztraminer, provenant du Tyrol autrichien. 25 hect/ha. Passe 9 mois en bouteille avant la vente pour le stabiliser.

Nez très complexe avec des notes épicées (cumin / curcuma), florales, pommes et cerneaux de noix. Bouche à l’acidité parfaite avec une finale très épicées. D’une élégance folle avec belle puissance et des arômes qui sont mêlés et dont aucun ne se démarque réellement (noix mûre, curry, pomme). Le plus étonnant étant le verre vide avec côté décoction d’agrumes.

Château Chalon 2012

Nez expressif, suave, sur la fleur blanche. En bouche l’acidité est plus marquée en attaque, elle laisse place à un côté fumé, champignonné, avec un côté Whisky et des notes salines. Verre vide, un côté caramel au beurre salé est présent avec des notes de « vieille cave ». Ce vin est à oublier, au jour de la dégustation, le 2011 est préféré pour son équilibre.

Macvin 2014

Dernier jour des vendanges de chardonnay (pour attendre la maturité maximale), utilisation du jus de raisin en moût (2/3) + 1/3 de marc de 2007 (53°6 degrés après 7 ou 8 ans, par rapport aux 70% d’un marc jeune de 18 mois comme le prévoit a minima l’agrément). 4 ans au tonneau Sols argilo-calcaire, marnes bleues et grises, terre de blancs. Nez chocolat à l’orange. Bouche ample, sucrée avec une acidité bien en place et une finale légèrement chocolatée. Très grande finesse, le vin n’a pas le côté un peu brutal du marc qu’on a parfois sur d’autres

Fine du Jura

Nez signature des château Chalon et Macvin. Entre prune et calva photo

Après cette dégusation d’une tenue remarquable, une suprise nous attendait avec la visite improvisée de la cave. photo photo photo photo photo photo

3. Domaine Mossu

Il y a des fois où le destin ne tient à rien. La prochaine dégustation est issu d’un coup de volant d’un pilote désirant optimiser son séjour en visite de cave.
Au pied des vignes de Château-Chalon, à Voiteur, le voyageur gagne à faire une halte chez François Mossu, halte qui ne sera pas courte mais qui sera assurément chaleureuse, car le personnage est truculent, amoureux de son métier et de ses vignes ! Sa fille Alexandra le rejoint au domaine depuis peu, encore une relève qui s’assure ! photo

Notre échange avec cet amoureux du vin a été cordial, autour des inquiétudes sur le climat, François Mossu n’hésitant pas à nous rappeler que des anomalies climatiques et des années sèches existaient déjà auparavant.

Rouge Sang de Gaillardin 2016

13 cépages

Nez sur le bouquet de fruits. La bouche relève d’une sangria. Cet assemblage rouge apparait assez étrange.

Côtes du Jura savagnin 2016

Nez curry et noix fraîche. Bouche saline, peau de noix verte, finale curry, acidité résiduelle. Savoureux.

Château Chalon 2013

Nez sur les baies, essence. Bouche opulente avec de la finesse mais un corps qui rappelle plus Arbois, quelques notes d’amertume, acidité bien dosée, résiduel lactique, astringence en fin de bouche, asséchant.

Vin de paille 2015

Poulsard, chardonnay, savagnin

Miellé, vinaigre de cidre, attaque franche, acidité digeste, finale légèrement amère sur l’écorce d’agrumes.

Vin de paille 2014

Nez doux, sur la figue, sucré. Bouche avec des notes de chocolat, très sucrée.

Le sommet de la dégustation chez Mossu restera la compétition familiale entre le vin de paille 2015 d’Alexandra, et le vin de paille 2014 de François, référence absolue du Jura année après année. Les deux sont très bons, peut-être celui d’Alexandra est-il un peu plus fin, mais c’est peut-être un effet millésime.

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4. Domaine Fumey Chatelain

Domaine de 17 ha à Montigny-les-Arsures, village connu pour ses marnes rouges propices au trousseau et au poulsard, créé après le grand gel de 1991, Raphaël Fumey et Adeline Chatelain sont aujourd’hui rejoints par leur fils Marin au domaine. La relève assurée ici encore ! Nous avons inscrit ce domaine au programme suite aux dégustations passées de Philippe, qui le connait depuis une dizaine d’années, et pour qui il s’agit d’un des plus beaux rapports prix plaisir du Jura.

Arbois Ploussard 2018

Nez cerise (kriek), bien équilibré, acidulé. Bouche autour d’une jolie structure, une cerise éclatante, acidulé, très plaisant, un vin de plaisir pur !

Arbois Ploussard 2018 parcellaire Fertans

Grappes entières / parcelle Fertans.
Nez cacahouète grillée, un peu réduit, côté vert. Bouche astringente, avec de la structure, avec à la fois le coté vert de la rafle et le coté grillé avec des notes minérale, pour une finale réglissée. Trop jeune, c’est un assurément un bon vin de garde.

Arbois Trousseau 2018

Nez fruité, floral, pêche de vigne, violette, fruits rouges sucrés. Bouche côté lactique, sur la fleur, un peu rose, longueur réglissée.

Arbois Trousseau 2017 parcellaire Le Bastard

Trousseau à la dame (variété de trousseau avec des grains qui ne se touchent pas) sur une parcelle d’argile à chaille.
Nez cerise, fruits acidulés, fraise des bois, fruits confits. Bouche avec une belle structure et de la fraîcheur. Dans la ligné de 2015 dégusté précédemment. Il s’agit sans nul doute d’une référence pour le domaine.

Arbois Pinot noir 2017

Vinification en cuve inox.
Nez légèrement poussiéreux, côté gras de la viande (odeur de produit transformé type rillettes ou autre). La bouche a une attaque agréable, structurée avec une finale légèrement poivrée et une légère astringence pas désagréable. En résumé : joli, gourmand, bel équilibre.

Arbois Pinot noir 2018 parcellaire remonte en ligne

Vinification en foudres des années 50.
Nez sur le fruit noir type cassis. Bouche légère, fruité et structuré pour une moyenne garde, grenadines, merveille mentholée, juste magnifique ! C’est la première fois qu’un pinot du Jura emballe Philippe à ce point, et c’est donc, en toute logique, le premier pinot noir qu’il y achète !

Arbois chardonnay 2018

Nez pêche de vigne, note citronnée. Bouche rafraîchissante, reste le fruit jaune, la cire. Impression de crémant sans bulle mais un vin léger, aérien, à l’équilibre rare. D’après la vigneronne, il va y avoir une évolution dans le temps à priori comme les bourgognes.

Savagnin ouillé 2018

Nez chèvrefeuille, fruit, complexe. Ample en bouche, suave, , beurré, puissance, acidité très bien équilibrée, sucre résiduel pour une belle longueur. Pas du tout typé Jura.

Tradition Non millésimé

Fermentation ouillée puis mise en pièces pour élevage sous voile. 1 cuve représente 10 pièces. Env. 200 pièces en cave. Analyse 2 fois / an pour volatiles et tanals. Assemblage à partir des analyses, les meilleures mises de côté pour l’élevage du vin jaune.
Côté moins salin que Montbourgeau et Macle. Très élégant, idéal pour faire découvrir la Jura, arômes de fruits jaunes, finale tendue.

Arbois tradition sans millésime

Assemblage 70% chardonnay ouillé 30% savagnin sous voile.
Nez comté. Bouche lactique avec l’acidité enrobée, légère amertume de noix verte, belle sapidité.

Arbois savagnin sous voile non millésimé (3 ou 4 ans)

Nez ciselé avec un côté citronné qui ressort. Bouche aérienne à l’attaque ciselée, sur l’acidité, finale très fine sur la noix verte

Arbois savagnin 2016

Nez typique, sur la fraîcheur avec une trame citronnée. Puissant, opulent, avec toutefois une trame acide qui le rend superbe, avec toutefois un resserrement de la bouche en finale.

Arbois vin jaune 2013

  • Thomas : Nez pompe aux pommes, tarte tatin, ananas trop mûr, 2ème nez punaise / arôme pomme (glace), Bouche cirée, + accessible jeune que les autres
  • Philippe : Un peu déroutant au premier nez, très bel équilibre, finale saline, me convainct moins que le 2010, me rappelle le 2004

Crémant

Un peu fermé, peu fruité mais bulle très belle.

Vin de paille 2015

Nez de Vin Santo, confiture d’abricot, miélé, ciré. Bouche à l’attaque sucrée, avec une acidité pas très marquée mais qui reste équilibrée, notes d’amandes et d’abricot, beaux amers. Très bon, un peu moins complexe que celui de Montbourgeau ou de Mossu

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Pour conlure il est difficile de résumer notre WE Jurassien. Cette région mérite le détour à la fois pour la qualité de ses produits que pour la chaleur de l’accueil qui est réservée au dégustateur, qu’il soit amateur ou passionné. Pour avoir fait quelques régions, rarement nous sommes accueillis avec autant de convivialité pour des produits d’une qualité aussi constante, et ce, dans tous les domaines où nous sommes passés. En fait nous n’avons qu’un seul regret, celui de n’avoir pu honorer d’autres domaines à la réputation tout aussi positive (Aviet, Puffeney, etc…). Mais ce choix est assumé car il est indispensable de rendre au vigneron de cette région l’attention qu’ils mettent dans leur accueil. Et si prochainement un amis vous demande « on va dans le jura ? », répondez-lui « Jura où tu iras !»

A noter que cet article résulte de la mise en commun des notes prises Philippe, Thomas et Lechaps.

Philippe Servi par :

Un vin ? Allons jeune homme, vous pouvez faire mieux ! Que dis-je, un nectar, que dis-je une oeuvre d'art, un sommet !